CePiCOP - 15.04.2025 - Colza d'hiver début floraison - Suivi des maladies en escourgeon et froment - Semaine tranquille pour les céréales

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Colza d'hiver

Stade de la culture: Début floraison et chute des premiers pétales pour les variétés les plus précoces

Insectes ravageurs: Arrivée très précoce des charançons des siliques

Maladie: Protection préventive contre le sclérotinia

Escourgeon

Stades: La majorité des parcelles est au stade deuxième nœud (BBCH 32), et une part importante atteint déjà le stade dernière feuille pointante (BBCH 37)

Maladies: Attendre le stade dernière feuille déployée (BBCH 39) afin de réaliser un traitement complet sur vos escourgeons

Froment

Stades: En fonction de la date de semis, les parcelles se situent majoritairement entre le stade épi 1cm (BBCH 30) et le stade premier nœud (BBCH 31).  Les parcelles les plus précoces arriveront au stade deuxième nœud (BBCH 32) fin de semaine

Maladies: Aucun traitement n'est recommandé actuellement.  Surveillez les parcelles emblavées avec des variétés sensibles aux rouilles mais aucun foyer n'est signalé

Epeautre

Stade de développement: Pour les épeautres d'octobre, les cultures ont atteint le stade premier nœud (BBCH 31) et poursuivent leur croissance.  Les plus précoces atteindront le stade deuxième nœud (BBCH 32) fin de la semaine.  Pour les semis tardifs, le redressement a débuté et le stade épi 1 cm (BBCH 30) sera atteint dans les prochains jours

Fertilisastion: Profitons des quelques gouttes de pluies pour appliquer les deuxièmes fractions qui ne l'ont pas encore été.  Pour les dernières fractions, qu'elles soient secondes ou troisièmes, il est encore trop tôt

Raccourcisseur: Application possible des raccourcisseurs.  Le risque de l'année étant faible, un seul traitement devrait suffire et il n'est pas nécessaire de faire intervenir la grosse artillerie...

Maladie, nécroses et taches en tout genre: La présence de maladies est anecdotique, les symptômes actuellement visibles sont le résultat des stress subis par les plantes ces deux dernières semaines

Coin "culture": Les invasions « barbares »

 

Les températures actuellement élevées accélèrent le développement de la culture de colza d'hiver qui est entrée en floraison, quelle que soit la variété, précoce ou tardive.  Les variétés les plus avancées commencent à perdre les premiers pétales et laissent apparaître les premières siliques.

Il faut maintenant protéger la culture avec un fongicide contre le sclérotinia qui est une maladie dommageable en cas d'attaque pendant la floraison du colza d'hiver.  Même si les conditions sont actuellement très sèches, il ne faut pas faire l'impasse de cette protection préventive car aucun produit n'a une action curative et aucune variété actuelle n'est résistante à cette maladie.  On ne peut attendre de voir les symptômes de sclérotinia avant de traiter.

La liste des fongicides autorisés en colza d'hiver en 2025 en Belgique se trouve sur le site du CePiCOP sous l'onglet Oléagineux - Produits autorisés.

Une fois que la floraison du colza a bien démarré, le risque lié aux méligèthes est terminé.

Les observations de ce lundi indiquent que les méligèthes ont encore été piégés dans les bassins jaunes devenus moins attractifs depuis la présence plus importante de fleurs jaunes du colza.  Leur nombre variait de 1 à 56 méligèthes ; aucun méligèthe n'a été piégé dans un seul bassin.  Sur les plantes, les méligèthes ont été observés dans 18 champs sur 20, en nombre variable (de 5 à 79 méligèthes pour 40 plantes).

Les charançons de la tige ont été piégés dans 5 bassins sur 18, avec 4 à 18 individus.  Sur les plantes de colza, ces insectes sont très discrets et n'ont été observés que dans 2 champs.

Pour la première fois cette année, les charançons des siliques ont été piégés dans 7 bassins sur 18, avec un nombre variant de 1 à 8 individus.

Charançons des siliques à la surface de l’eau du piège à insectes. Photo CC 14/04/25

Sur les plantes, l'arrivée des charançons des siliques a été observée ce lundi ensoleillé dans 16 champs sur 20, avec 1 à 8 charançons des siliques pour 40 plantes.  Ces insectes arrivent très tôt dans la culture de colza d'hiver où peu de siliques sont formées jusqu'à présent.  Ils sont donc à surveiller de très près, d'abord en bordure de parcelles puis à l'intérieur du champ.  Les siliques vont se former au fur et à mesure de la floraison, avec la perte des pétales des fleurs fécondées.

Le charançon des siliques n'est pas dangereux en lui-même mais il prépare le terrain pour les cécidomyies des siliques qui arriveront par la suite.  Le charançon des siliques va forer des trous dans les jeunes siliques, pour s'alimenter et pour pondre quelques œufs.  La cécidomyie des siliques va profiter de ces trous pour y pondre de nombreux œufs qui vont évoluer en petites larves, provoquant l'éclatement des siliques avant la récolte.

La surveillance des charançons des siliques continuera pendant la floraison du colza d'hiver, car leurs vols sont favorisés par les bonnes températures.

Le seuil d'intervention est d'1 charançon pour 2 plantes (20 charançons pour 40 plantes).  Le traitement peut être limité aux bordures des parcelles.

L'utilisation d'un insecticide pendant la floraison ne peut se faire qu'en dehors des heures de butinage des abeilles et autres pollinisateurs qui profitent de la présence importante de pollen et de nectar dans les fleurs de colza. 

Christine Cartrysse

Les escourgeons ont maintenant atteint le stade 2e nœud (BBCH 32) dans la majorité des parcelles du réseau d'observation du CePiCOP et une partie d'entre-elles sont au stade dernière feuille pointante (BBCH 37).

Des pustules de rouille naine sont visibles sur les dernières feuilles dans toutes les parcelles.  Toutefois, la pression varie selon les sites et la sensibilité des variétés, mais elle reste globalement faible (maximum 5% de surface touchée de la feuille en question).

L'oïdium est également présent dans les parcelles (et plus particulièrement visible cette année), mais il n'affecte pas les feuilles au-delà des F4 ou F5 définitives.  Certaines variétés montrent des tâches d'hypersensibilité à l'oïdium (Figure 1) qui ressemblent à des tâches physiologiques (souvent présentes chez l'orge).  Ce phénomène résulte d'un mécanisme de défense des plantes qui induisent la nécrose de leurs tissus afin d'isoler le développement de l'oïdium.

Figure 1 : Hypersensibilité oïdium, un mycélium blanc d'oïdium est parfois présent au sein des taches brunes qui ne progressent pas. Source : ARVALIS

L'helminthosporiose et la rhynchosporiose restent discrètes cette année.  Quelques symptômes d'helminthosporiose ont été observés sur la feuille F4 définitive à Ath, Ormeignies, Lonzée, Faimes ou encore Acosse mais à des pressions et fréquences très faibles (seulement 5% des feuilles observées).  La rhynchosporiose est très peu présente : seules quelques lésions ont été observées dans certaines parcelles.

Les maladies principales en escourgeon :

Alors que des précipitations étaient espérées, seules quelques averses localisées ont été observées.  La dernière feuille commence à émerger et devrait bientôt se déployer sur la majorité des parcelles.  Il est donc recommandé d'attendre le stade BBCH 39 avant d'intervenir avec un traitement fongicide complet, probablement vers la fin du mois d'avril.

Vous trouverez dans votre Livre Blanc Céréales de février 2025, rubrique « Lutte intégrée contre les maladies - protection de l'escourgeon », des exemples de schémas de protection fongicide.  Pensez à alterner les modes d'action et les substances actives pour préserver leur efficacité et limiter les risques de résistance.

La solution du traitement « dernière feuille déployée » (BBCH 39) devrait consister en l'application de plusieurs molécules issues de familles chimiques différentes (mélange de produits commerciaux ou de molécules co-formulées dans un unique produit) :

  • Un triazole (prothioconazole, mefentrifluconazole, tebuconazole ou metconazole), indispensable pour contenir la rouille naine (et la rhynchosporiose).  Le prothioconazole reste la référence contre les maladies de l'escourgeon et demeure le seul triazole efficace contre l'helminthosporiose.  Attention toutefois : si un produit à base de prothioconazole a déjà été appliqué lors du premier traitement (T1), il faudra impérativement opter pour une solution exempte de cette substance au T2.
  • Un SDHI (bixafen, fluopyram, fluxapyroxad ou benzovindiflupyr), recommandé pour sa rémanence d'action, renforçant la protection sur la durée.
  • Une strobilurine (pyraclostrobine, azoxystrobine, fluoxastrobine ou trifloxystrobine), utile en complément pour renforcer la lutte contre la rouille naine et l'helminthosporiose.

Nos essais ont également montré l'intérêt d'intégrer des substances à mode d'action multisites, telles que le soufre ou le folpet, notamment dans la gestion de la ramulariose.

Enfin, en cas de forte pression d'oïdium, privilégiez l'usage de molécules spécifiques telles que le cyflufenamide, metrafenone, spiroxamine ou pyriofenone, reconnues pour leur efficacité ciblée sur cet agent.

Les produits agréés sont disponibles sur Phytoweb (ou dans les pages jaunes du Livre Blanc Céréales ou reprises sur le site : https://centrespilotes.be/cp/cepicop/cereales/produits-autorises/ )

 A.  Nysten

Les froments du réseau d'observation se situent principalement au stade 1er nœud (BBCH 31, 16 parcelles sur 26).  Certaines sont encore au stade épi 1 cm (BBCH 30) et d'autres, vont très prochainement atteindre le stade deuxième nœud (BBCH 32).  La disparité des stades en froment s'explique principalement par l'étendue des dates de semis mais aussi par les différences de climats entre régions et par les niveaux de précocité des variétés emblavées. 

Nous n'avons observé que quelques pustules de rouille jaune : les pressions observées sont très faibles et aucun foyer actif n'a pour l'instant été notifié.  Si vous avez emblavé une variété qui est très sensible à cette maladie, pensez à vérifier si des pustules sont présentes.  Afin d'éviter des traitements fongicides injustifiés et inefficaces, soyez néanmoins attentifs à bien distinguer les symptômes de rouille jaune, d'autres taches et altérations physiologiques.

La septoriose est présente dans toutes les parcelles du réseau à des niveaux d'infection divers mais beaucoup plus faible que l'année dernière (maximum 3% de surface touchée sur F4).  Des symptômes sont observés sur les F4 définitives à Ath, Lens et Sommière sur des variétés comme Celebrity ou Positiv qui sont plus sensibles à cette maladie.  Pour le reste du réseau, les symptômes atteignent au maximum les F5 définitives.  La visite de vos parcelles est conseillée la semaine prochaine afin d'évaluer la pression de cette maladie à la vue d'une possible intervention lorsque le stade clé (2e nœud, BBCH 32) sera atteint, surtout si vous avez des variétés plus sensibles (voir tableau p.139 du Livre Blanc Céréales de février 2025 https://livre-blanc-cereales.be/wp-content/uploads/2025/04/II.4.-Maladies.pdf)

Des pustules de rouille brune sont déjà observables dans une partie des parcelles du réseau.  La sévérité observée est cependant très faible (quelques pustules observées) mais il conviendra de suivre son évolution dans les parcelles emblavées avec des variétés sensibles et vérifier si un premier passage fongicide est nécessaire. 

Les maladies principales en froment :

Recommandations :

  • Rouille jaune :

Il vous est conseillé de surveiller vos parcelles et d'envisager un traitement fongicide uniquement si vous observez, au stade 1er nœud ou après, des foyers de rouille jaune actifs.  La pression observée actuellement dans les parcelles du réseau ne justifie pas de traitement fongicide pour lutter contre cette maladie.

  • Septoriose :

La pression en septoriose est relativement faible dans la plupart des parcelles observées.  Tout indique qu'un premier traitement fongicide ne sera nécessaire que pour les variétés sensibles à la septoriose lorsque celles-ci auront atteint le stade clé du 2e nœud (BBCH 32).

Lorsque votre culture aura atteint le stade 2e nœud (BBCH 32) et si l'un des seuils indiqués ci-dessous est dépassé, une première application de fongicide (T1) peut être envisagée.  Si ce n'est pas le cas, il est possible d'attendre le stade dernière feuille étalée (BBCH 39) pour réaliser une protection complète des froments. 

Seuil indicatif de risque septoriose selon les Bulletins de Santé du Végétal (*):

Au stade « 2e nœud »:

Þ pour les variétés sensibles (**) (cote < 6.5): traitement si minimum 20% des F-2 déployées du moment sont touchées,

Þ pour les variétés peu sensibles: traitement si minimum 50% des F-2 déployées du moment sont touchées.

(*) https://draaf.hauts-de-france.agriculture.gouv.fr/2024-r673.html

(**)https://livre-blanc-cereales.be/wp-content/uploads/2023/10/2023-09-VI-Tableaux-de-synthese.pdf

  • Rouille brune :

Si un traitement est envisagé contre la septoriose et/ou la rouille jaune, celui permettra de juguler également l'infection en rouille brune (si celle-ci est présente). 

  • Conseils pour le choix du traitement fongicide :

Pour rappel et afin d'éviter l'apparition trop rapide de résistance au sein des pathogènes, il est conseillé :

  • d'alterner les triazoles utilisés entre les applications ;
  • de n'appliquer une strobilurine qu'une seule fois par saison ;
  • de n'appliquer un QiI (fenpicoxamid) qu'une seule fois par saison ;
  • de n'appliquer un SDHI qu'une seule fois par saison. 

Une fois les seuils et les règles ci-dessus bien en tête, il est maintenant possible pour vous de déterminer si votre culture a besoin ou non d'un premier traitement (T1).  Ce traitement devra reposer sur une solution à base de triazole (prothioconazole, mefentrifluconazole, tebuconazole ou metconazole) et/ou d'un QiI (fenpicoxamid).  Si par la suite, vous souhaitez protéger vos épis contre la fusariose, il est conseillé de garder les produits à base de prothioconazole pour plus tard et de se diriger vers d'autres produits, ne contenant pas cette substance active.  L'ajout d'une strobilurine est possible si vous observez également une forte pression en rouille jaune ou brune et si votre culture est bien au stade 2e nœud (BBCH 32).  Enfin, l'ajout d'un produit multisites, à base de folpet ou de soufre (liquide de préférence) est fortement recommandé.  Veillez à garder les produits à base de SDHI pour une application à la dernière feuille ou à l'épiaison afin de profiter pleinement de leur forte efficacité et de leur longue rémanence. 

 A.  Nysten

De la pluie bientôt ?

J'ai volontairement conservé le titre de la semaine dernière car de l'eau à Gembloux et en Hesbaye, jusqu'à présent, il n'y en eut guère.  Certains d'entre vous ont été plus chanceux ce samedi et c'est tant mieux : une dizaine de litres à Libramont, une autre dizaine à Soignies.  Cela permettra les levées des semis de maïs et chicorées.  Pour les plaines de Hesbaye, il faudra encore attendre un peu et la suite s'avère toujours incertaine : certains modèles nous en annoncent d'autres pas et ces prévisions varient d'heure en heure.  Les prévisions des différents sites météo que nous consultons tous, résultent de l'analyse d'intelligence artificielle.  A très court terme, grâce aux radars de pluies, les précisions sont fiables mais dès que l'on passe quelques heures, le système décroche.  Il serait judicieux de replacer quelques météorologues humains derrière les écrans d'ordinateurs afin de tempérer les ardeurs de ces « IA » qui pour un petit nuage égaré ou un vol d'oies sauvages en migration, nous annoncent 25L/m² avant de se rétracter.  Ce n'est pas de réflexions virtuelles dont nous avons besoin mais de réflexions fondées émises par des personnes qui ont pris le temps de les vérifier.  On nous répète à longueur de journée que les capteurs, la numérisation, le deux points zéro vont nous faire faire des bons de géants.  Pour la prévision des précipitations, je ne peux que constater qu'il reste beaucoup de travail, …

Les températures annoncées sont quant à elles, plus fiables.  Cette semaine, elles sont adéquates pour tous les travaux de champs : pas de gel, pas d'excès, aucune contre-indication donc. 

Ce n'était pas le cas jusqu'à présent mais certaines parcelles ou parties de champs passent d'un beau vert à un vert jaunâtre nettement moins agréable à l'œil.  De façon prévisible, il s'agit des semis tardifs dont le système racinaire est moins développé et des plantes semées sur les taches de roches ou de sables. 

Stade de développement

Si les épeautres sont connus pour être plus tardifs que les froments, les écarts entre ces deux espèces varient d'une année à l'autre.  Cette année, l'écart est faible.  Epeautre et froment sont, tous deux, au stade premier nœud (BBCH 31).  Par rapport aux 3 dernières années, les épeautres ont une semaine d'avance, … pas les froments.  Et pourtant les températures moyennes depuis janvier sont inférieures cette année à celles des trois dernières saisons.  La logique, il y en une, n'est pas à rechercher dans la température mais bien dans la luminosité.  Cette dernière est bien supérieure cette année et les épeautres sont justement plus photopériodiques que thermopériodiques.  Si les deux espèces sont sensibles à ces deux paramètres, pour les épeautres, c'est la disponibilité en lumière qui reste déterminante.  C'est l'inverse pour la majorité des froments bien que chaque variété soit plus ou moins sensible à ces deux paramètres. 

L'écart se creuse entre les semis précoces et ceux plus tardifs qui commencent à souffrir de la sécheresse.  Les premiers sont toujours bien verts mais les second semblent à l'arrêt et ne sont plus capables de croître.  Ils prennent des teintes jaunâtres car la soif en céréales entraîne la faim, l'azote ne parvenant plus aux racines.

Photo 1 et 2 : Les épeautres semés au 16 octobre se redressent et atteignent le stade premier nœud (Gembloux, 14 avril). Certaines feuilles prennent des teintes rouges ou jaunes. Les nécroses observées çà et là résultent des conditions météo de ces dernières semaines.

En bio, désherbage toujours possible

Si en agriculture conventionnelle, le temps des désherbages est désormais passé, en bio il est encore possible de parfaire le travail.  C'est particulièrement utile pour les terres à renouées.  Ces adventices ne germent qu'avec les températures printanières et elles étaient absentes lors des passages antérieurs.  Dans les terres où le recouvrement de la céréale n'est pas optimal, les zones vides risque de permettre leur développement.  Dans ces situations, un passage avec la herse étrille pourrait efficacement solutionner le problème.  Evidemment, le tracteur doit être équipé de fines roues, la herse doit être large afin de ne pas entraîner plus de dégâts que les bienfaits générés par le désherbage. 

Fertilisation

Le temps annoncé pour cette semaine devrait permettre à ceux qui ne l'ont pas encore fait, d'apporter la deuxième fraction.  Que ce soit en solide ou en liquide, il est toujours préférable de l'appliquer juste avant la pluie.  En liquide, un petit rappel utile est de ne pas appliquer l'azote sur les feuilles encore humides de la rosée du matin.  Pour la dernière fraction, qu'elle soit seconde ou troisième, il est conseillé d'attendre le stade dernière feuille pointante (BBCH 37).

Régulateur de croissance

Comme expliqué dans l'avis de la semaine dernière, l'année n'est pas à risque pour la verse.  Jusqu'à présent, étant donné la météo, nous avons freiné l'application de régulateur.  Pour les champs qui ont atteint le stade premier nœud (BBCH 31) et qui ont bénéficié de pluies, les plantes sont désormais suffisamment vigoureuses pour supporter un raccourcisseur.  Pour les tardives, mieux vaut encore attendre.  Si un traitement est décidé, il n'est pas nécessaire d'utiliser les produits les plus efficaces (contenant du trinexapax-ethyl) car ils sont également les plus phytotoxiques.  De notre côté, pour nos essais d'épeautre traités, nous nous contenterons d'un traitement unique à base de prohexadione-Ca.  Nous appliquerons celui-ci la semaine prochaine. 

Maladies et taches physiologiques

Les plus observateurs d'entre vous auront peut-être remarqué quelques pustules de rouille jaune sur de vieilles feuilles.  Il y en a depuis le début mars mais nous avons jugé inutile de vous en inquiéter car elles ne représentent aucun danger pour la culture.  L'ennemi juré de la rouille jaune est le rayonnement UV du soleil qui détruit les spores du champignon.  Celui de la septoriose est la sécheresse qui ne permet pas aux ascospores de passer de feuilles en feuilles.  La météo 2025 est notre meilleur fongicide et si cela se poursuit, le traitement unique dernière feuille pourra être la norme et le garant du rendement économique le plus élevé. 

Si les champignons sont rares sur les feuilles, on peut cependant y observer depuis quelques jours des taches nécrotiques et des décolorations.  Ces symptômes sont liés aux conditions sèches ainsi qu'au vent du nord qui a soufflé durant la semaine écoulée.  C'est ce que l'on appelle des taches physiologiques.  Je n'aime pas trop ce terme car on l'utilise souvent pour masquer notre ignorance.  Je préfère dire que si l'on n'en connait pas précisément la cause, ces symptômes abiotiques n'évolueront pas négativement et que les conditions météorologiques en sont responsables.  Si on tente cependant d'en approfondir les causes, on peut penser qu'en conditions sèches et venteuses, la plante perd plus d'eau qu'elle ne peut en prélever et que les conséquences se marquent aux extrémités des feuilles et sur les plus anciennes d'entre elles. 

Le coin « Culture »

Comme pour les avis précédents, ce chapitre ne participe pas à l'évaluation hebdomadaire de la culture de l'épeautre mais en présente une partie plus historique. 

Vers l'an 400, sous la pression des peuples germaniques, on assiste à la chute de l'empire romain, on traverse alors dans une période moins connue de l'histoire car elle n'a laissé que peu d'écrits.  Parmi les peuples venus de l'est, certains venaient de loin : les Goths provenaient de la Roumanie et de l'Ukraine actuelle, d'autres étaient des peuples voisins originaires de l'Allemagne actuelle.  C'était le cas par exemple des Francs, des Burgondes, des Alamans, des Angles.  Tous ont migré vers l'ouest entraînant leurs coutumes et leur culture.  Parmi ceux-ci, on retrouve le peuple des Suèves.  Ce peuple déjà ancien était contemporain de nos Gaulois.  Comme ceux-ci, ils cultivaient abondamment l'épeautre dans le sud de l'Allemagne.  Dans la région actuelle de Stuttgart, vous trouverez encore partout le nom « Swabian » qui découle directement de « Suèves ».  Cette région n'existe pas de façon administrative car elle occupe un territoire qui s'étend à la fois sur le Wurtenberg et sur la Bavière.  On peut établir un parallèle entre le Swabian et le Condroz.  Notre Condroz, comme le Swabian, doit son nom au peuple qui y cultivait l'épeautre il y a 2000 ans, dans notre cas, les Condruzes.  Tout comme la région de Swabian, le Condroz est également à cheval sur des provinces différentes (Namur et Liège) mais reste une entité à laquelle les habitants sont sentimentalement très attachés. 

Au sud de Stuttgart, l'université d'Hohenheim est à l'origine de 80% des épeautres allemands (Zollernspelz, Badengold, Albertino,…).  Le plat typique Swabian, même s'il ne date pas de cette époque s'appelle Spätzel : des pâtes d'épeautre aux œufs.  La culture de l'épeautre y est très vive et les boulangeries y proposent une grande diversité de pains d'épeautre.  Comme quoi, la culture y est tenace.

Mais revenons il y a 1600 ans, lors de la migration des peuples germaniques, les Suèves ont suivi les Vandales.  Ils ont traversé la France du nord au sud mais alors que les Vandales ont poursuivi jusqu'au sud de l'Espagne pour y créer l'Andalousie, les Suèves se sont installés au Nord-Ouest de l'Espagne et ont y fondé le royaume de Galice. 

Figure 3 : Cartes des principales migrations des peuples « barbares » à la fin de l’empire romain d’occident

Depuis, l'épeautre y a été cultivé durant des siècles.  Cela peut paraître improbable de trouver de l'épeautre, céréale symbolique de la résistance au froid en Espagne.  Mais il faut savoir que le nord de l'Espagne est une région à climat océanique.  Il n'y fait pas très chaud : la moyenne annuelle est de 14°C, (celle de la Belgique de 10°C) et il y pleut en moyenne plus de 1000 Litres par an, ce qui est équivalent aux précipitations que l'on observe à Libramont.

Au début du siècle dernier, la culture de l'épeautre était encore bien présente en Asturies (région située à l'est de la Galicie) ; en 1935, un agronome suisse y a prélevé une centaine de races locales.  Elles sont toujours maintenues dans les collections de l'Agroscope, le CRA-W suisse. 

Photo 4 et 5 : Les spores de la rouille noire seraient transportées par les vents du sud, accolées aux grains de sables du Sahara (Sirocco). Même si la rouille noire provoque l’apparition des pustules sur les feuilles, c’est sur les tiges que ces symptômes sont spécifiques et permettent de la différencier de la rouille brune.

Nous nous sommes procuré certaines de ces lignées car elles semblent présenter des résistances à une maladie dont on craint l'expansion en Europe occidentale.  Il s'agit de la rouille noire.  Cette maladie étant endémique de l'Afrique et du sud de l'Europe, les variétés espagnoles y ont développé des résistances que nous n'avons pas en Belgique et en Allemagne.  Depuis 5 ans, la rouille noire est de retour chez nous après 75 ans d'absence et les épeautres étant les plus tardifs de nos céréales, ce sont également les plus sensibles à cette maladie qui se développe avec la chaleur de l'été.  Notre travail de sélectionneurs est d'envisager que cette maladie puisse se développer à l'avenir et tenter aujourd'hui par croisement de créer des variétés d'épeautres adaptées à nos régions qui seront lors de leur commercialisation, capables de résister à cette maladie, si celle-ci reprend de l'ampleur.  En sélection, il faut tenter de prévoir les problèmes dix ans avant leur avènement car c'est la durée moyenne pour créer une variété.  C'est une des difficultés mais aussi un des charmes de notre métier.

Je vous souhaite une agréable semaine,

Guillaume Jacquemin


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